Pakistan : un chrétien forcé à la clandestinité après avoir été libéré de prison

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Un chrétien Pakistanais de 45 ans a été libéré sous caution le 15 novembre dernier. Il avait été accusé de blasphème après avoir partagé un verset biblique sur son compte Facebook. Depuis sa libération, il a reçu des menaces de la part d’extrémistes islamiques et vit désormais caché, loin de sa famille. 

Après avoir été accusé de blasphème et emprisonné, Haroon Shahzad, un chrétien Pakistanais, a été libéré sous caution par le juge de la Haute Cour de Lahore, Ali Baqir Najfi, le 15 novembre. 

Une semaine avant l’Aïd Al Adha (fête du sacrifice NDLR) le 30 juin dernier, Shahzad avait publié sur Facebook plusieurs versets (1 Corinthien 10 versets 18 à 21) qui traitent de la nourriture sacrifiée aux idoles. 

Son post Facebook, n’avait pas pour but, selon lui, de blesser les musulmans, qui l’ont cependant accusé de les comparer à des païens en manquant de respect au sacrifice d’animaux. Il explique que dès qu’il a appris que son post avait suscité des réactions négatives, il l’a supprimé et a “décidé de rencontrer les anciens du village pour expliquer (sa) position”.

Suite à une vague de colère au sein de la population, Shahzad a dû fuir le village. Une manifestation de violence qui a également forcé les autres villageois chrétiens à quitter leurs maisons. 

"Je ne sais pas quand cette situation angoissante prendra fin"

Morning Star News s’est entretenu avec Haroon Shahzad, depuis un lieu tenu secret, pour expliquer les répercussions de sa libération sur sa vie et celle de ses proches. Il explique n’avoir revu sa famille "qu’une seule fois" depuis sa libération puisqu’ils ne vivent plus au même endroit.

"Ma famille est en fuite depuis le moment où j'ai été impliqué dans cette fausse accusation et arrêté par la police sous la pression de la foule. Ma fille aînée venait de commencer sa deuxième année de fac, mais cela fait maintenant plus de quatre mois qu’elle n’a pas pu réintégrer son établissement. Mes autres enfants ne peuvent pas non plus reprendre leurs études car ma famille est obligée de changer de lieu après 15 à 20 jours par mesure de sécurité. [...] Nous ne sommes pas ensemble. Ils vivent chez un parent pendant que je me réfugie ailleurs. Je ne sais pas quand cette situation angoissante prendra fin."

Selon le chrétien, c'est un dénommé Ladhar qui aurait porté plainte contre lui, un membre du parti extrémiste islamiste Tehreek-e-Labbaik Pakistan qui serait également lié au groupe terroriste interdit Lashkar-e-Jhangvi. Il ajoute que celui-ci aurait entendu parler de sa libération et aurait commencé "à rassembler des gens dans le village" en les incitant à s'en prendre à Shahzad et à sa famille. 

"Dès que Ladhar a entendu parler de ma libération sous caution, lui et ses complices ont commencé à rassembler les gens dans le village et à les inciter à s'en prendre à moi et à ma famille. Il fait de son mieux pour que nous ne puissions jamais retourner au village." 

Ladhar aurait porté plainte contre le chrétien, car il serait "jaloux" qu'il ait obtenu un terrain gouvernemental pour construire une église. Haroon Shahzad précise également que sa famille est "plus aisée que la plupart des familles chrétiennes du village" ce qui aurait également pu susciter la colère de Ladhar. 

L'avocate de Shahzad qui est également directrice de The Voice Society, une organisation juridique chrétienne, a déclaré que cette affaire constituait une violation flagrante de l’article 196 du Code de procédure pénale qui indique que "la police ne peut pas enregistrer une affaire contre un simple citoyen sans l’approbation du gouvernement provincial ou des agences fédérales."

Selon l'avocate, "toutes les allégations de blasphème au Pakistan" concernant les chrétiens ont systématiquement les mêmes caractéristiques :

"Enquête défectueuse, mauvaise foi de la part de la police et du plaignant, manifestations violentes contre les accusés et menaces contre eux et leurs familles, les forçant à quitter leurs régions ancestrales, sont devenues les caractéristiques de toutes les allégations de blasphème au Pakistan".

La Pakistan est classé 7e dans l’Index Mondial de Persécution des chrétiens 2023 de l’ONG Portes Ouvertes, qui indique que le pays traite les chrétiens "comme des citoyens de seconde classe" et qu'ils "subissent de plein fouet les lois antiblasphème". L’ONG précise également que "le nombre d’accusations de blasphème contre les chrétiens est en constante augmentation". 

Mélanie Boukorras 

Crédit image : Shutterstock / Tudoran Andrei

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